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CERTAINS

l’art contemporain, une peinture convalescente, exquise, toute personnelle, toute neuve, « la peinture des fluides, » que ce visionnaire s’est essayé à rendre, même dans ses précieuses eaux-fortes, où, en quelques traits, il éparpille des monuments, des cités, illimite l’espace, projette des sensations de lointains, uniques.

Artiste extralucide, dégageant du réel le suprasensible, M. Wisthler me fait songer avec ses paysages à plusieurs poésies d’une douceur murmurante et câline, comme confessée, comme frôlée, de M. Verlaine. Il évoque, ainsi que lui, à certains instants, de subtiles suggestions et berce, à d’autres, de même qu’une incantation dont l’occulte sortilège échappe. M. Verlaine est évidemment allé aux confins de la poésie, là où elle s’évapore complètement et où l’art du musicien commence. M. Wisthler, dans ses harmonies de nuances, passe presque la frontière de la peinture ; il entre dans le pays des lettres, et s’avance sur les mélancoliques rives où les pâles fleurs de M. Verlaine poussent.

M. Wisthler définit ainsi, dans son « Ten o’clock » traduit par M. Stéphane Mallarmé, l’art tel qu’il le conçoit : « C’est, dit-il, une divinité