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STEVENS

M. Stevens de « grand peintre de la vie moderne. »

De ses doigts lourdauds il lapidifie les légers chiffons qu’il touche et sourdement il éclaire, de la lanterne glacée de son gros œil, des petites femmes qui ne sont plus des Flamandes et qui ne seront jamais des Parisiennes.

Et puis, quelle vision superficielle des élégances de ce Paris qu’il peint ! Dans des intérieurs généralement déformés par de la porcelaine et de la quincaillerie japonaises, il campe en des poses sentimentales des modèles d’atelier qu’il affuble d’oripeaux durs. Cela représente la femme du monde, la Parisienne riche.

Dans cette série de minauderies belges, une exception eut lieu pourtant. M. Stevens exposa, un jour, chez M. Georges Petit, un portrait de fille : sur un fond sardiné s’enlevait une tête vannée, aux chairs retenues par des mastics, reconstituées par des cold-cream et des graisses. Sous une perruque rousse se liquéfiait un œil bleu, las et rosse. Cela sentait non la luxure des noces partagées, mais l’épuisement de l’acte sans aide, de la caresse sans prière, du péché muet. Un peu d’âme était montée à la face de ce portrait ; c’é-