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BIANCHI

Telle peut être la signification de cette toile où la rousse et flexueuse perversité d’une Renaissance sourd déjà de la rigide blancheur du Moyen Age. Sans doute, Bianchi a tout bonnement peint, ainsi que la plupart des artistes de son temps, une famille de donateurs qui lui avaient, pour la parure d’une chapelle, commandé cette œuvre ; il a travesti en de religieux costumes des podestats usés par les déboires du bonheur et les joies du vice ; en acceptant cette donnée d’une simple série de portraits, de quel sentiment surhumain, de quel subtil et impérieux talent n’a-t-il pas imprégné son œuvre ! Sans rémission, les amateurs louent le chancelant sourire de la Joconde ; mais combien plus mystérieuses, plus dominatrices, sont ces lèvres closes, augustes et navrées, douces et mauvaises, vives et mortes ; combien les yeux attendus, sûrs, du Vinci, sont vides, si on les compare à ces prunelles en eau de roche ou en eau de rivière qui, frappée par la foudre, s’épure après l’orage !


Inexplicable malgré tout, cette toile d’une couleur lisse et meurtrie, d’un dessin solennel et svelte, d’une tristesse infinie, d’une allégresse