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CERTAINS

tient le panneau de la déplorable salle qu’il honore, le portrait de Madame Rivière, assise sur un divan d’azur et vous regardant, immobile sous des coques de cheveux bruns. Là encore la fidélité de l’artiste nous requiert. Les chairs sont burgautées, sans granules, lisses ; le châle qui est placé près d’elle est pointillé comme une aquarelle indienne ; mais cette femme respire et ses yeux inquiètent ; elle vit, ainsi que Madame de Vançay, d’une vie glacée, si l’on peut dire ; c’est une ressuscitée encore un peu froide : c’est par la magie de l’œil qu’Ingres anime ses effigies et leur insuffle ce mystère qu’un artiste moderne, M. Redon, obtient, lui aussi, souvent, par ses savantes déformations de la prunelle.

L’on peut signaler encore, dans la salle des Etats, le portrait de M. Rivière, peint lèches à lèches, un tantinet fantasque pourtant, mais rentrant un peu déjà dans la catégorie de ces travaux de maison de force dont Ingres a si souvent obtenu l’entreprise.

En résumé, cinq ou six toiles de Delacroix et une d’Ingres pourraient justifier les clabaudantes clameurs qui s’élevèrent dès l’ouverture