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CERTAINS

fession est quasi douce. Levé comme le paysan dès l’aube, il trime, enfermé, sans arrêt, sans trêve, jusqu’à la nuit, puis il rentre dans un garni rogue, aspire la pestilence enragée des plombs, boit de combustibles breuvages et, s’il demeure célibataire, satisfait sur de périlleux locatis ses besoins d’amours ; si malheureux qu’il soit, le paysan tâche du moins en plein air, il se grise d’innocentes piquettes, s’étanche sur de sains fumiers de chairs, rentre dans une chambre aérée, hume, s’il veut, dans son jardinet, les tonifiants souffles des soirs. Est-ce qu’il les a, l’ouvrier parisien, ces causettes prolongées le long des routes, ces goûters à la bonne franquette, ces flânes perpétuelles, tous ces alibis reposants des rustres ? — Il en est de même pour les femmes. Ainsi qu’une bête de somme, la paysanne rentre les foins et fend le bois et poêlonne, et bêche et vêle. Oui ; — mais une ouvrière cloîtrée depuis le matin dans l’air raréfié d’un Bon Marché ou d’un Louvre, une femme toujours debout et attentive aux souhaits d’une foule, est plus souffreteuse et plus débile, plus douloureusement laminée par la vie, plus vraiment à plaindre !