Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/151

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
LE MONSTRE

jambes en navet et remuent des queues tissées par des radicelles et des tiges ; des faces humaines sans corps roulent au bout d’une patte de homard qui leur sert de bras ; des oiseaux dont le bec s’ouvre en coquille de moule et dont l’arrière-train est une queue de congre, sautillent sur deux mains, la tête en bas, courent comme des brouettes ; c’est une réunion d’êtres hybrides, légumineux et masculins, un mélange d’objets industriels et de cul-de-jatte. Avec l’intrusion de l’ustensile de ménage et de la plante dans la structure des monstres, l’effroi prend fin ; la beauté de l’épouvante meurt avec ces créatures burlesquement agencées, par trop fictives.

De son côté, Callot reprend bien l’antique dragon et les anciens diables ; mais il ne suggère ni l’émoi, ni le rire ; son invention est banale et l’accent de ses planches est nul.

Dans le moderne, aucune tentative. Tout au plus peut-on citer, à ce point de vue, l’acre et l’oblique, le libre et fumeux Goya. Mais ses « Caprices » tournent au libelle et lorsqu’il aborde de pénibles sujets, semblables à celui de cette femme qui s’efforce d’arracher les dents