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IV



Une voiture s’arrêta, vers une fin d’après-midi, devant la maison de Fontenay. Comme des Esseintes ne recevait aucune visite, comme le facteur ne se hasardait même pas dans ces parages inhabités, puisqu’il n’avait à lui remettre aucun journal, aucune revue, aucune lettre, les domestiques hésitèrent, se demandant s’il fallait ouvrir ; puis, au carillon de la sonnette, lancée à toute volée contre le mur, ils se hasardèrent à tirer le judas incisé dans la porte et ils aperçurent un monsieur dont toute la poitrine était couverte, du col au ventre, par un immense bouclier d’or.

Ils avertirent leur maître qui déjeunait.

— Parfaitement, introduisez, fit-il — car il se souvenait d’avoir autrefois donné, pour la livraison d’une commande, son adresse à un lapidaire.

Le monsieur salua, déposa, dans la salle à manger, sur le parquet de pitch-pin, son bouclier qui oscilla, se soulevant un peu, allongeant une tête serpentine de tortue qui, soudain effarée, rentra sous sa carapace.

Cette tortue était une fantaisie venue à des Esseintes quelque temps avant son départ de Paris. Regardant, un jour, un tapis d’Orient, à reflets, et, suivant les lueurs argentées qui couraient sur la trame de la laine, jaune