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C’était un fait indéniable, sûr ; dans le second tome de sa théologie morale, S. E. le cardinal Gousset, avait, lui aussi, longuement traité cette question de la fraude au point de vue divin ; et, suivant l’incontestable autorité de ce maître, l’on ne pouvait consacrer le pain composé de farine d’avoine, de blé sarrasin, ou d’orge, et si le cas demeurait au moins douteux pour le pain de seigle, il ne pouvait soutenir aucune discussion, prêter à aucun litige, quand il s’agissait d’une fécule qui, selon l’expression ecclésiastique, n’était, à aucun titre, matière compétente du sacrement.

Par suite de la manipulation rapide de la fécule et de la belle apparence que présentaient les pains azymes créés avec cette matière, cette indigne fourberie s’était tellement propagée que le mystère de la transsubstantiation n’existait presque jamais plus et que les prêtres et les fidèles communiaient, sans le savoir, avec des espèces neutres.

Ah ! le temps était loin où Radegonde, reine de France, préparait elle-même le pain destiné aux autels, le temps où, d’après les coutumes de Cluny, trois prêtres ou trois diacres, à jeun, vêtus de l’aube et de l’amict, se lavaient le visage et les doigts, triaient le froment, grain à grain, l’écrasaient sous la meule, pétrissaient la pâte dans une eau froide et pure et la cuisaient eux-mêmes sur un feu clair, en chantant des psaumes !

Tout cela n’empêche, se dit des Esseintes, que cette perspective d’être constamment dupe, même à la sainte