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ce sont les prêtres, eux-mêmes, dont les maladroits ouvrages extirperaient les convictions les plus tenaces.

Dans la bibliothèque dominicaine, un docteur en théologie, un frère prêcheur, le R. P. Rouard de Card, ne s’était-il pas trouvé qui, à l’aide d’une brochure intitulée : « De la falsification des substances sacramentelles » avait péremptoirement démontré que la majeure partie des messes n’était pas valide, par ce motif que les matières servant au culte étaient sophistiquées par des commerçants.

Depuis des années, les huiles saintes étaient adultérées par de la graisse de volaille ; la cire, par des os calcinés ; l’encens, par de la vulgaire résine et du vieux benjoin. Mais ce qui était pis, c’était que les substances, indispensables au saint sacrifice, les deux substances sans lesquelles aucune oblation n’est possible, avaient, elles aussi, été dénaturées : le vin, par de multiples coupages, par d’illicites introductions de bois de Fernambouc, de baies d’hièble, d’alcool, d’alun, de salicylate, de litharge ; le pain, ce pain de l’Eucharistie qui doit être pétri avec la fine fleur des froments, par de la farine de haricots, de la potasse et de la terre de pipe !

Maintenant enfin, l’on était allé plus loin ; l’on avait osé supprimer complètement le blé et d’éhontés marchands fabriquaient presque toutes les hosties avec de la fécule de pomme de terre !

Or, Dieu se refusait à descendre dans la fécule.