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comment, résolues. Je priai pour la première fois et l’explosion se fit.

Tout cela paraît, pour des gens qui ne croient pas à la Grâce, fou. Pour ceux qui ont ressenti ses effets, aucun étonnement n’est possible ; et, si surprise il y avait, elle ne pourrait exister que pour la période d’incubation, celle où l’on ne voit et où l’on ne perçoit rien, la période du déblaiement et de la fondation dont on ne s’est même pas douté.

Je comprends, en somme, jusqu’à certain point, ce qui s’est passé entre l’année 1891 et l’année 1895, entre Là-Bas et En Route, rien du tout entre l’année 1884 et l’année 1891, entre À Rebours et Là-Bas.

Si je n’ai pas compris moi-même, à plus forte raison les autres ne comprirent-ils point les impulsions de des Esseintes. À Rebours tombait ainsi qu’un aérolithe dans le champ de foire littéraire et ce fut et une stupeur et une colère ; la presse se désordonna ; jamais elle ne divagua en tant d’articles ; après m’avoir traité de misanthrope impressionniste et avoir qualifié des Esseintes de maniaque et d’imbécile compliqué, les Normaliens comme M. Lemaître s’indignèrent que je ne fisse point l’éloge de Virgile et déclarèrent d’un ton péremptoire, que les décadents de la langue latine, au Moyen Âge, n’étaient que « des radoteurs et des crétins ». D’autres entrepreneurs de critique voulurent bien aussi m’aviser qu’il me serait profitable de subir, dans une prison thermale, le fouet des douches ; et, à leur tour, les conférenciers s’en mêlèrent. À la Salle des Capucines, l’archonte Sarcey criait, ahuri : « Je veux bien être pendu, si je comprends un traître mot à ce roman ! » Enfin, pour que ce fût complet, les revues graves, telles que la Revue des Deux Mondes, dépêchèrent leur leader, M. Brunetière, pour comparer ce roman aux vaudevilles de Waflard et Fulgence.