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Invinciblement, il levait les yeux vers elle, la discernait à ses contours inoubliés et elle revivait, évoquant sur ses lèvres ces bizarres et doux vers que Mallarmé lui prête :


« …  Ô miroir !
« Eau froide par l’ennui dans ton cadre gelée
« Que de fois, et pendant les heures, désolée
« Des songes et cherchant mes souvenirs qui sont
« Comme des feuilles sous ta glace au trou profond,
« Je m’apparus en toi comme une ombre lointaine !
« Mais horreur ! des soirs, dans ta sévère fontaine,
« J’ai de mon rêve épars connu la nudité ! »

Ces vers, il les aimait comme il aimait les œuvres de ce poète qui, dans un siècle de suffrage universel et dans un temps de lucre, vivait à l’écart des lettres, abrité de la sottise environnante par son dédain, se complaisant, loin du monde, aux surprises de l’intellect, aux visions de sa cervelle, raffinant sur des pensées déjà spécieuses, les greffant de finesses byzantines, les perpétuant en des déductions légèrement indiquées que reliait à peine un imperceptible fil.

Ces idées nattées et précieuses, il les nouait avec une langue adhésive, solitaire et secrète, pleine de rétractions de phrases, de tournures elliptiques, d’audacieux tropes.

Percevant les analogies les plus lointaines, il désignait souvent d’un terme donnant à la fois, par un effet de similitude, la forme, le parfum, la couleur, la qualité, l’éclat, l’objet ou l’être auquel il eût fallu accoler