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Constantia de J.-P. Cloete, dont il lui restait en cave quelques bouteilles.

Ce vin, couleur de pelure d’oignons un tantinet brûlé, tenant du Malaga rassis et du Porto, mais avec un bouquet sucré, spécial, et un arrière-goût de raisins aux sucs condensés et sublimés par d’ardents soleils, l’avait parfois réconforté, et souvent même avait infusé une énergie nouvelle à son estomac affaibli par les jeûnes forcés qu’il subissait ; mais ce cordial, d’ordinaire si fidèle, échoua. Alors, il espéra qu’un émollient refroidirait peut-être les fers chauds qui le brûlaient, et il recourut au Nalifka, une liqueur russe, contenue dans une bouteille glacée d’or mat ; ce sirop onctueux et framboisé fut, lui aussi, inefficace. Hélas ! le temps était loin, où, jouissant d’une bonne santé, des Esseintes montait, chez lui, en pleine canicule, dans un traîneau, et, là, enveloppé de fourrures, les ramenant sur sa poitrine, s’efforçait de grelotter, se disait, en s’étudiant à claquer des dents : — Ah ! ce vent est glacial, mais on gèle ici, on gèle ! parvenait presque à se convaincre qu’il faisait froid !

Ces remèdes n’agissaient malheureusement plus, depuis que ses maux devenaient réels.

Il n’avait point, avec cela, la ressource d’employer le laudanum ; au lieu de l’apaiser, ce calmant l’irritait jusqu’à le priver de repos. Jadis, il avait voulu se procurer avec l’opium et le haschisch des visions, mais ces deux substances avaient amené des vomissements