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vaincues ; cette conviction que la vie humaine n’est plus qu’un incertain combat livré entre l’enfer et le ciel ; cette foi en deux entités contraires, Satan et le Christ, devaient fatalement engendrer ces discordes intérieures où l’âme, exaltée par une incessante lutte, échauffée en quelque sorte par les promesses et les menaces, finit par s’abandonner et se prostitue à celui des deux partis dont la poursuite a été la plus tenace.

Dans le Prêtre marié, les louanges du Christ, dont les tentations avaient réussi, étaient chantées par Barbey d’Aurevilly ; dans les Diaboliques, l’auteur avait cédé au Diable qu’il célébrait et alors apparaissait le sadisme, ce bâtard du catholicisme, que cette religion a, sous toutes ses formes, poursuivi de ses exorcismes et de ses bûchers, pendant des siècles.

Cet état si curieux et si mal défini ne peut, en effet, prendre naissance dans l’âme d’un mécréant ; il ne consiste point seulement à se vautrer parmi les excès de la chair, aiguisés par de sanglants sévices, car il ne serait plus alors qu’un écart des sens génésiques, qu’un cas de satyriasis arrivé à son point de maturité suprême ; il consiste avant tout dans une pratique sacrilège, dans une rébellion morale, dans une débauche spirituelle, dans une aberration tout idéale, toute chrétienne ; il réside aussi dans une joie tempérée par la crainte, dans une joie analogue à cette satisfaction mauvaise des enfants qui désobéissent et jouent avec des matières défendues, par ce seul motif