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particulière, où il entrait du La Bruyère et du faubourien du Gros-Caillou. Ce style mi-solennel, mi-canaille, brandi par cette personnalité brutale, prenait un poids redoutable de casse-tête. Singulièrement entêté et brave, il avait assommé avec ce terrible outil, et les libres penseurs et les évêques, tapant à tour de bras, frappant comme un bœuf sur ses ennemis, à quelque parti qu’ils appartinssent. Tenu en défiance par l’Église qui n’admettait ni ce style de contrebande ni ces poses de barrière, ce religieux arsouille s’était quand même imposé par son grand talent, ameutant après lui toute la presse qu’il étrillait jusqu’au sang dans ses Odeurs de Paris, tenant tête à tous les assauts, se débarrassant à coups de soulier de tous les bas plumitifs qui s’essayaient à lui sauter aux jambes.

Malheureusement, ce talent incontesté n’existait que dans le pugilat ; au calme, Veuillot n’était plus qu’un écrivain médiocre ; ses poésies et ses romans inspiraient la pitié ; sa langue à la poivrade s’éventait à ne pas cogner ; l’arpin catholique se changeait, au repos, en un cacochyme qui toussait de banales litanies et balbutiait d’enfantins cantiques.

Plus guindé, plus contraint, plus grave, était l’apologiste chéri de l’Église, l’inquisiteur de la langue chrétienne, Ozanam. Encore qu’il fût difficile à surprendre, des Esseintes ne laissait pas que d’être étonné par l’aplomb de cet écrivain qui parlait des desseins impénétrables de Dieu, alors qu’il eût fallu administrer