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idées courantes, sans idéal de maladive dépravation, sans au-delà ; en somme, les découvertes des analystes s’arrêtaient aux spéculations mauvaises ou bonnes, classifiées par l’Église ; c’était la simple investigation, l’ordinaire surveillance d’un botaniste qui suit de près le développement prévu de floraisons normales plantées dans de la naturelle terre.

Baudelaire était allé plus loin ; il était descendu jusqu’au fond de l’inépuisable mine, s’était engagé à travers des galeries abandonnées ou inconnues, avait abouti à ces districts de l’âme où se ramifient les végétations monstrueuses de la pensée.

Là, près de ces confins où séjournent les aberrations et les maladies, le tétanos mystique, la fièvre chaude de la luxure, les typhoïdes et les vomitos du crime, il avait trouvé, couvant sous la morne cloche de l’Ennui, l’effrayant retour d’âge des sentiments et des idées.

Il avait révélé la psychologie morbide de l’esprit qui a atteint l’octobre de ses sensations ; raconté les symptômes des âmes requises par la douleur, privilégiées par le spleen ; montré la carie grandissante des impressions, alors que les enthousiasmes, les croyances de la jeunesse sont taris, alors qu’il ne reste plus que l’aride souvenir des misères supportées, des intolérances subies, des froissements encourus, par des intelligences qu’opprime un sort absurde.

Il avait suivi toutes les phases de ce lamentable automne, regardant la créature humaine, docile à