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de sang ; là, des laques, incrustées de burgau, renfermaient de l’or Japonais et du vert d’Athènes, couleur d’aile de cantharide, des ors et des verts qui se transmuent en une pourpre profonde dès qu’on les mouille ; près de pots pleins de pâte d’aveline, de serkis du harem, d’émulsines au lys de kachemyr, de lotions d’eau de fraise et de sureau pour le teint, et près de petites bouteilles remplies de solutions d’encre de Chine et d’eau de rose à l’usage des yeux, des instruments en ivoire, en nacre, en acier, en argent, s’étalaient éparpillés avec des brosses en luzerne pour les gencives : des pinces, des ciseaux, des strigiles, des estompes, des crêpons et des houppes, des gratte-dos, des mouches et des limes.

Il manipulait tout cet attirail, autrefois acheté sur les instances d’une maîtresse qui se pâmait sous l’influence de certains aromates et de certains baumes, une femme détraquée et nerveuse, aimant à faire macérer la pointe de ses seins dans les senteurs, mais n’éprouvant, en somme, une délicieuse et accablante extase, que lorsqu’on lui ratissait la tête avec un peigne ou qu’elle pouvait humer, au milieu des caresses, l’odeur de la suie, du plâtre des maisons en construction, par les temps de pluie, ou de la poussière mouchetée par de grosses gouttes d’orage, pendant l’été.

Il rumina ces souvenirs et une après-midi écoulée, à Pantin, par désœuvrement, par curiosité, en compagnie de cette femme, chez l’une de ses sœurs, lui