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et plus sûres, les pages d’À Rebours qui ont trait au catholicisme et à l’art religieux, je remarque que ce minuscule panorama, peint sur des feuilles de bloc-notes, est exact. Ce que je peignais alors était succinct, manquait de développements, mais était véridique. Je me suis borné depuis à agrandir mes esquisses et à les mettre au point.

Je pourrais très bien signer maintenant les pages d’À Rebours sur l’Église, car elles paraissent avoir été, en effet, écrites par un catholique.

Je me croyais loin de la religion pourtant ! Je ne songeais pas que, de Schopenhauer que j’admirais plus que de raison, à l’Ecclésiaste et au Livre de Job, il n’y avait qu’un pas. Les prémisses sur le Pessimisme sont les mêmes, seulement, lorsqu’il s’agit de conclure, le philosophe se dérobe. J’aimais ses idées sur l’horreur de la vie, sur la bêtise du monde, sur l’inclémence de la destinée ; je les aime également dans les Livres Saints ; mais les observations de Schopenhauer n’aboutissent à rien ; il vous laisse, pour ainsi parler, en plan ; ses aphorismes ne sont, en somme, qu’un herbier de plaintes sèches ; l’Église, elle, explique les origines et les causes, signale les fins, présente les remèdes ; elle ne se contente pas de vous donner une consultation d’âme, elle vous traite et elle vous guérit, alors que le médicastre allemand, après vous avoir bien démontré que l’affection dont vous souffrez est incurable, vous tourne, en ricanant, le dos.

Son Pessimisme n’est autre que celui des Écritures auxquelles il l’a emprunté. Il n’a pas dit plus que Salomon, plus que Job, plus même que l’Imitation qui a résumé, bien avant lui, toute sa philosophie en une phrase : « C’est vraiment une misère que de vivre sur la terre ! »

À distance, ces similitudes et ces dissemblances s’avèrent nettement, mais à cette époque, si je les percevais, je ne m’y