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Notre-Seigneur, cette clameur douloureuse : « C’est vraiment une misère que de vivre sur la terre ! » Lui aussi prêchait le néant de l’existence, les avantages de la solitude, avisait l’humanité que quoi qu’elle fît, de quelque côté qu’elle se tournât, elle demeurerait malheureuse : pauvre, à cause des souffrances qui naissent des privations ; riche, en raison de l’invincible ennui qu’engendre l’abondance ; mais il ne vous prônait aucune panacée, ne vous berçait, pour remédier à d’inévitables maux, par aucun leurre.

Il ne vous soutenait pas le révoltant système du péché originel ; ne tentait point de vous prouver que celui-là est un Dieu souverainement bon qui protège les chenapans, aide les imbéciles, écrase l’enfance, abêtit la vieillesse, châtie les incoupables ; il n’exaltait pas les bienfaits d’une Providence qui a inventé cette abomination, inutile, incompréhensible, injuste, inepte, la souffrance physique ; loin de s’essayer à justifier, ainsi que l’Église, la nécessité des tourments et des épreuves, il s’écriait, dans sa miséricorde indignée : « Si un Dieu a fait ce monde, je n’aimerais pas à être ce Dieu ; la misère du monde me déchirerait le cœur. »

Ah ! lui seul était dans le vrai ! qu’étaient toutes les pharmacopées évangéliques à côté de ses traités d’hygiène spirituelle ? Il ne prétendait rien guérir, n’offrait aux malades aucune compensation, aucun espoir ; mais sa théorie du Pessimisme était, en somme, la grande consolatrice des intelligences choisies, des