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il en vint à se persuader que ses agissements, pendant sa vie mondaine, dérivaient de l’éducation qu’il avait reçue. Ainsi ses tendances vers l’artifice, ses besoins d’excentricité, n’étaient-ils pas, en somme, des résultats d’études spécieuses, de raffinements extraterrestres, de spéculations quasi-théologiques ; c’étaient, au fond, des transports, des élans vers un idéal, vers un univers inconnu, vers une béatitude lointaine, désirable comme celle que nous promettent les Écritures.

Il s’arrêta net, brisa le fil de ses réflexions. — Allons, se dit-il, dépité, je suis encore plus atteint que je ne le croyais ; voilà que j’argumente avec moi-même, ainsi qu’un casuiste.

Il resta songeur, agité d’une crainte sourde ; certes, si la théorie de Lacordaire était exacte, il n’avait rien à redouter, puisque le coup magique de la conversion ne se produit point dans un sursaut ; il fallait, pour amener l’explosion, que le terrain fût longuement, constamment miné ; mais si les romanciers parlent du coup de foudre de l’amour, un certain nombre de théologiens parlent aussi du coup de foudre de la religion ; en admettant que cette doctrine fût vraie, personne n’était alors sûr de ne pas succomber. Il n’y avait plus ni analyse à faire sur soi-même, ni pressentiments à considérer, ni mesures préventives à requérir ; la psychologie du mysticisme était nulle. C’était ainsi parce que c’était ainsi, et voilà tout.

— Eh ! je deviens stupide, se dit des Esseintes ; la