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GILLES DE RAIS



Gilles de Rais, dont l’enfance est inconnue, naquit vers 1404, sur les confins de la Bretagne et de l’Anjou, dans le château de Machecoul, en Bas-Poitou. Son père meurt à la fin d’octobre 1415 ; sa mère se remarie presque aussitôt avec un sieur d’Eslouville et l’abandonne, lui et René de Rais, son frère ; il passe sous la tutelle de son aïeul Jean de Craon, seigneur de Champtocé et de la Sage, « homme vieil et ancien et de moult grand âge », disent les textes. Il n’est ni surveillé ni dirigé par ce vieillard débonnaire et distrait, qui se débarrasse de lui, en le mariant à Catherine de Thouars, le 30 du mois de novembre 1420.

L’on constate sa présence à la cour du Dauphin, cinq ans après, ses contemporains le représentent comme un homme nerveux et robuste, d’une beauté et d’une élégance rares. Les renseignements font défaut sur le rôle qu’il joue dans cette cour, mais on peut aisément les suppléer, en se figurant l’arrivée de Gilles, qui était le plus riche des barons de France, chez un roi pauvre.

À ce moment, en effet, Charles VII est aux abois ; il est sans argent, dénué de prestige, et son autorité reste nulle ; la situation de la France, exténuée par les massacres, déjà ravagée quelques années auparavant par la peste est horrible. Elle est scarifiée jusqu’au sang, vidée jusqu’aux moelles par l’Angleterre, qui, semblable à ce poulpe fabuleux, le kraken, émerge de la mer, et lance, au-dessus du détroit, sur la Bretagne, la Normandie, une partie de la Picardie, l’Île-de-France, tout le nord, le centre jusqu’à Orléans, ses tentacules dont les ventouses ne laissent plus, en se soulevant, que des villes taries, que des campagnes mortes.

Les appels de Charles réclamant des subsides, inventant des