Page:Huysmans, La Sorcellerie en Poitou, 1897.pdf/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.

magie, d’avoir violé à Saint-Étienne de Mer-Morte les immunités de la sainte Église.

Puis, après un silence, il reprend son discours et, laissant de côté les meurtres, ne retenant plus alors que les crimes, dont la punition, prévue par le droit canonique, pouvait être prononcée par l’Église, il demande que Gilles soit frappé de la double excommunication, d’abord comme évocateur de démon, hérétique, apostolat et relaps, ensuite comme sacrilège.

Gilles, qui a écouté ce réquisitoire tumultueux et serré, âpre et dense, s’exaspère. Il insulte les juges, les traite de simoniaques et de ribauds, et il refuse de répondre aux questions qu’on lui pose. Le Promoteur, les assesseurs, ne se lassent point ; ils l’invitent à présenter sa défense. De nouveau, il les récuse, les outrage, puis lorsqu’il s’agit de les réfuter, il reste muet.

Alors, l’Évêque et l’Inquisiteur le déclarent contumace et prononcent contre lui la sentence d’excommunication, qui est aussitôt rendue publique.

Ils décident en outre que les débats se poursuivront le lendemain.

Ce jour-là, Gilles de Rais comparut de nouveau devant ses juges.

Il se présenta la tête basse et les mains jointes. Il avait, une fois de plus, bondi d’un excès à un autre ; quelques heures avaient suffi pour assagir l’énergumène, qui déclara reconnaître les pouvoirs de ses magistrats et demanda pardon de ses outrages.

Ils lui affirmèrent que, pour l’amour de Notre-Seigneur, ils oubliaient ses injures et, sur sa prière, l’Évêque et l’Inquisiteur rapportèrent la sentence d’excommunication dont ils l’avaient frappé, la veille. Cette audience, d’autres, furent occupées par la comparution de Prélati et de ses complices ; puis, s’appuyant sur le texte ecclésiastique qui atteste ne pouvoir se contenter de la confession, si elle est dubia, vaga, generalis, illativa, jacosa, le Promoteur assura que pour certifier la sincérité des aveux, Gilles devait être soumis à la question canonique, c’est-à-dire à la torture.

Le Maréchal supplie l’Évêque d’attendre jusqu’au lendemain et réclame le droit de se confesser tout d’abord aux juges qu’il plairait au Tribunal de désigner, jurant qu’il renouvellerait ses aveux devant le public et la Cour.

Jean de Malestroit accueillit cette requête, et l’Évêque de Saint-Brieuc et Pierre de l’Hospital, chancelier de Bretagne, furent chargés d’entendre Gilles dans sa cellule ; quand il eut terminé le récit de ses fautes et de ses meurtres, ils ordonnèrent qu’on amenât Prélati.