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sainte-Croix, le 19 septembre, Gilles, noble baron de Rais, soumis à notre puissance et relevant de notre juridiction, et nous le citons, nous-même, par ces lettres, à comparaître à notre barre pour avoir à répondre des crimes qui pèsent sur lui. — Exécutez donc ces ordres et que chacun de vous les fasse exécuter. »

Et, le lendemain, le capitaine d’armes, Jean Labbé, agissant au nom du Duc, et Romain Guillaumet, notaire, agissant au nom de l’Évêque, se présentent, escortés d’une petite troupe, devant le château de Machecoul.

Que se passe-t-il dans l’âme du Maréchal ? Trop faible pour tenir en rase campagne, il peut néanmoins se défendre derrière les remparts qui l’abritent, et il se rend !

Roger de Bricqueville, Gilles de Sillé, ses conseillers habituels, ont pris la fuite. Il reste seul avec Prélati, qui essaie en vain, lui aussi, de se sauver.

Il est, ainsi que Gilles, chargé de chaînes ; Robin Guillaumet visite la forteresse de fond en comble. Il y découvre des chemisettes ensanglantées, des os mal calcinés, des cendres que Prélati n’a pas eu le temps de précipiter dans les douves.

Au milieu des malédictions, des cris d’horreur qui jaillissent autour d’eux, Gilles et ses serviteurs sont conduits à Nantes et écroués au château de la Tour-Noire.

Aussitôt que Gilles et ses complices furent incarcérés, deux tribunaux s’organisèrent : l’un ecclésiastique, pour juger les crimes qui relevaient de l’Église, et l’autre civil, pour juger ceux auxquels il appartenait à l’État de connaître.

À vrai dire, le tribunal civil qui assista aux débats ecclésiastiques s’effaça complètement dans cette cause ; il ne fit, pour la forme, qu’une petite contre-enquête, mais il prononça la sentence de mort que l’Église s’interdisait de proférer en raison du vieil adage : Ecclesia abhorret a sanguine.

Les procédures ecclésiastiques durèrent un mois et huit jours ; les procédures civiles quarante-huit heures. Il semble, que pour se mettre à l’abri derrière l’Évêque, le duc de Bretagne ait volontairement amoindri le rôle de la justice civile, qui d’ordinaire se débattait mieux derrière les empiètements de l’official.

Jean de Malestroit préside les audiences ; il choisit pour assesseurs les Évêques du Mans, de Saint-Brieuc et de Saint-Lô ; puis, en sus de ces hauts dignitaires, il s’entoure d’une troupe de juristes qui se relevaient dans les interminables séances du procès. Les noms de la plupart d’entre eux figurent dans les pièces de procédure ; ce sont : Guillaume de Montigné, avocat à la cour séculière, Jean