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Ferron, qui délégua son frère Jean pour prendre possession de ce domaine.

Quelques jours après, le Maréchal réunit les deux cents hommes de sa prison militaire et il se dirige à leur tête sur Saint-Étienne. Là, le jour de la Pentecôte, alors que le peuple réuni entend la messe, il se précipite, la jusarme au poing, dans l’église ; balaie d’un geste les rangs tumultueux des fidèles, et, devant le prêtre interdit, menace d’égorger Jean le Ferron qui prie. Le saint sacrifice est interrompu, les assistants prennent la fuite. Gilles traîne le Ferron qui demande grâce jusqu’au château, ordonne qu’on baisse le pont-levis et de force il occupe la place, tandis que son prisonnier est emporté et jeté à Tiffauges dans un fond de geôle.

Il venait du même coup de violer le coutumier de Bretagne qui interdisait à tout baron de lever des troupes sans le consentement du duc, et de commettre un double sacrilège, en profanant une chapelle et en s’emparant de Jean le Ferron, qui était un clerc tonsuré d’Église.

L’Évêque apprend ce guet-apens et décide Jean V, qui hésite pourtant, à marcher contre le rebelle. Alors, tandis qu’une armée s’avance sur Saint-Étienne, que Gilles abandonne pour se réfugier avec une petite troupe dans le manoir fortifié de Machecoul, une autre armée met le siège devant Tiffauges.

Pendant ce temps, le prélat accumule, hâte les enquêtes. Son activité devient extraordinaire ; il délègue des commissaires et des procureurs dans les villages où des enfants ont disparu. Lui-même quitte son palais de Nantes, parcoure les campagnes, recueille les dépositions des victimes. Le peuple parle enfin, le supplie à genoux de le protéger, et, soulevé par les atroces forfaits qu’on lui révèle, l’Évêque jure qu’il fera justice.

Un mois a suffi pour que tous les rapports soient terminés. Par lettres patentes, Jean de Malestroit établit publiquement l’ « infamatio » de Gilles, puis, alors que les formules de la procédure canonique sont épuisées, il lance le mandat d’arrêt.

Dans cette pièce, libellée en forme de mandement et donnée à Nantes, le 13 septembre de l’an du Seigneur 1440, il rappelle les crimes imputés au Maréchal, puis, dans un style énergique, il somme son diocèse de marcher contre l’assassin, de le débusquer.

« Ainsi, nous vous enjoignons à tous et à chacun de vous en particulier, par ces présentes lettres, de citer immédiatement et d’une manière définitive, sans compter l’un sur l’autre, sans vous reposer de ce soin sur autrui, de citer devant nous, ou devant l’official de notre église cathédrale, pour le lundi de la fête de l’Exaltation de la