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le quartier saint-séverin

blanchis et ils touchent une mensualité de quarante francs ; mais ils ont parfois cent lits à remuer. Couchés à trois heures du matin, ils doivent être debout à cinq, porter la lessive, fabriquer le gros ouvrage, seconder la police, se colleter avec les ivrognes, mener une vie de fatigue qui anémie des hercules en quelques mois.

En somme, comme je viens de le dire, la rue la plus indulgente aux purotins, c’est la rue Maître-Albert où le garni exploité par la mère Lafon est, au point de vue du prix, le plus doux. À part ce détail, cette rue, qui s’appela naguère rue Perdue, puis rue Saint-Michel, en souvenir du collège placé sous le vocable de ce saint, puis enfin rue Maître-Albert, — ce Dominicain y aurait, paraît-il, autrefois professé, — est une rue noire et humide, empestée par ce relent d’eau de chou-fleur que soufflent les vieux plombs. Elle détient la seule métairie de la paroisse, depuis que les femmes en chartre de la rue de l’Hôtel-Colbert ont disparu ; là, ce ne sont plus des Parques qui baguenaudent, mais des laveuses échappées à leur vaisselle qu’on aperçoit, dans une poussée de porte, vêtues comme de monstrueux bébés, avec des cheveux roulés en coquilles d’escargot sur l’occiput et taillés en dents de peignes sur le front. Pas très loin, et parallèlement à ce réchaud, s’ouvre l’impasse Maubert, jadis appelée cul-de-sac d’Amboise parce que cette