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le quartier saint-séverin

tier Saint-Séverin, le seul, à Paris, qui conserve encore un peu de l’allure des anciens temps, s’effrite et se démolit chaque jour ; dans quelques années, il n’y aura plus trace des délicieuses masures qui l’encombrent. L’on nivellera d’amples routes, l’on abolira les tapis-francs, l’on refoulera le long des remparts les purotins et les escarpes ; une fois de plus, les moralistes s’imagineront qu’ils ont déblayé la misère et relégué le crime ; les hygiénistes clameront également les bienfaits des larges boulevards, des squares étriqués et des rues vastes ; l’on répétera sur tous les tons que Paris est assaini, et personne ne comprendra que ces changements ont rendu le séjour de la ville intolérable. Jadis, en effet, l’on ne grillait pas, l’été, dans des rues étroites et toujours fraîches et l’on ne gelait pas, l’hiver, dans des sentes à peine ouvertes et à l’abri des vents ; aujourd’hui, l’on rissole, au temps des canicules, dans les saharas du Carrousel et de la place de la Concorde, et l’on grelotte, par les frimas, sur ces interminables avenues que balaient les bises. Sans doute, les égouts déodorisés puent moins, mais nous avons à humer, en échange, les infectes senteurs des asphaltes et des gaz, des voitures à pétrole et des pavés de bois.

Naguère, derrière les logis, s’étendaient des jardins en fleurs et d’immenses cours ; maintenant, les croisées s’ouvrent sur des puisards et se touchent ; les gens qui