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les gobelins

flamande du quinzième, une Salutation angélique d’une naïveté de dessin charmante et aussi d’une couleur demeurée exquise, avec ses carnations de rose — blanche un peu sèche, ses bruns mangés par les fers qu’ils contiennent, ses verts forts en bleu et ses indigos sourds. Elle est autrement vigoureuse, cette pièce, semblable au tableau d’un Primitif, et elle est aussi d’une autre grâce que toutes les tentures Louis XV aux laines éteintes et aux teintes fanées, comme détrempées dans l’eau des bourdalous dont se servaient les nymphes à tout faire de Boucher.

Et ils sont enviables pourtant, ces tissages chiffonnés du dix-huitième siècle, si on les compare à ceux que nous donnèrent, depuis, les Ehrmann, les Galland, les Lechevallier-Chevignard, et vraiment mieux eût valu fermer boutique que de persister à tramer d’aussi coûteuses bâches ! Mais la manufacture a enfin viré de bord et rompu avec la routine patriarcale de ces pions ; elle ne fait plus exécuter des œuvres frigides avec des teintes mortes ; elle a remonté tous les tons et n’a plus travaillé pour le lendemain, laissant au temps le soin d’apaiser les nuances trop volontaires, d’assagir le côté trop neuf.

Et, ce faisant, elle a justifié le bon aloi de pressants conseils. Déjà, en 1889, dans sa sagace et dans sa libre étude sur « la Décoration de l’Industrie d’art à l’Expo-