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la bièvre

des anciens temps est aujourd’hui presque désert ; c’est à peine si une ou deux habitantes de la ruelle descendent maintenant pour savonner dans cette sauce, tout au plus si quelques gamins jouent à la bloquette auprès du mur.

Puis, sous une croûte de terre formant porche, la Bièvre disparaît à nouveau et s’enfonce dans une ombre puante ; la rue Croulebarbe continue, mais toute la gaîté du parc voisin s’arrête. Il ne reste plus, jusqu’à l’avenue des Gobelins, qu’un amas de bouges dont la vicieuse indigence effraye. Pour retrouver la morne rivière, il faut passer devant la manufacture de tapisserie et s’engager dans la rue des Gobelins.

Ici, la scène change ; le décor d’une misère abjecte s’effondre, et un coin de vieille ville, solennelle et sombre, surgit à deux pas des avenues modernes. La rue arbore d’anciens hôtels, convertis en fabriques, mais dont le seigneurial aspect persiste. Au numéro 3, une porte cochère, énorme et trapue, aux vantaux martelés de clous, donne accès dans une vaste cour où de hautes fenêtres évoquent les fastueux salons du temps jadis. C’est l’hôtel du marquis de Mascarini, maintenant encombré par des camions ; des marchands de chaussures, des teinturiers, des apprêteurs ont mué les boudoirs en bureaux de commande et de caisse ; l’absorption du noble passé par la rotu-