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le quartier saint-séverin

vrai régal. Les demoiselles Trolliet ferment leurs cahiers de classe et, sous la garde du garçon, montent se coucher. Or leur chambre est contiguë à celle du Sénat et il leur faut, pour s’y rendre, fouler le corps étendu des loqueteux ; et elles filent sur eux, légères, avec des mines de chipies ; si elles ne crachent pas de côté comme leur papa, elles vous ont au moins des moues de princesses qu’on offusque. Il va sans dire qu’aucun des mendigots endormis ne regimbe, car Trolliet viendrait empoigner le plaignant, le descendrait à coups de botte et finalement le viderait, tel qu’un baquet d’ordures, dans la neige.

Et l’on se demande ce qui peut bien se tramer dans la cervelle de ces fillettes-là, vivant à part, dans un monde de bagne, assistant placidement, du fond de leur petit réduit, à d’effroyables scènes de saoulerie et à de mortelles rixes. Ces infantes de la Maub’ seront riches un jour, car le père a réalisé sa fortune dans ce commerce et, il y a quelques années, il parlait de vendre. Quels étranges souvenirs de jeunesse il y aura chez ces créatures lorsqu’elles seront devenues des bourgeoises, filles d’un ancien négociant, fières de leur dot !

Ces salles que nous avons vues sont peuplées de birbes ; celle où dorment, au rez-de-chaussée, les ivrognes et qui est connue sous le nom de salle des