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le quartier saint-séverin

crimes se succédèrent pendant plus de huit jours. Une nuit, un forcené entra chez le Père Lunette, éventra avec un tranchet la petite Flore, l’une des malheureuses les moins répugnantes de ce lieu, se jeta sur la patronne qu’il défonça, tapa dans le tas de gens qui se précipitaient pour la secourir, blessa le chanteur, culbuta le garçon, qui finit cependant par l’abattre en lui écrasant une carafe sur le front.

Ce sang répandu leva ; ce fut dans tous les bouges du quartier une moisson de meurtres. Une bande de cambrioleurs égorgea le servant, le bistro du Château-Rouge, tandis que Trolliet, le tenancier, tuait à coups de nerfs de bœuf deux des assaillants. En face, chez Alexandre, tous les habitués se ruèrent aussitôt les uns sur les autres, sans que l’on ait jamais su, au juste, pourquoi, puis le sang sécha et ces folies cessèrent.

À part ces moments où le vent des batailles souffle, il n’y a, je l’ai dit, chez le Père Lunette qu’une réunion de méchants galopins et de mauvaises aïeules ; c’est, en somme, l’endroit du quartier le moins dangereux et le plus bête.

Celui où l’on pouvait risquer vraiment des horions, c’était cette crémerie Alexandre, de la rue Galande, devenue maintenant un restaurant ; c’était là que s’attroupaient de sérieux sacripants, au premier, dans une salle basse meublée de tables et de bancs. On