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HYPOTHÈSE DE L’ESPÈCE.

Si, en effet, l’on peut démontrer que les espèces sont permanentes, et qu’aussi loin que nous remontions dans le cours des âges, les mêmes formes organiques se retrouvent identiques ; qu’aucune des conditions de milieu, de croisement, de destruction et de naissance n’ont pu, ne peuvent et vraisemblablement ne pourront donner lieu à des êtres nouveaux, sans ancêtres identiques dans le passé, toute autre thèse est superflue, et du même coup toute explication naturelle est condamnée. Si, d’un autre côté, l’on peut établir que, même dans les temps très-rapprochés, le tableau de la vie à la surface de la terre a offert d’incessantes variations ; que les règnes organiques n’ont pas toujours coexisté, que les formes des êtres vivants se sont çà et là modifiées, que certaines espèces ont complètement disparu et que chaque jour semble marquer la fin de quelqu’une d’entre elles ; que des formes nouvelles ont apparu dans le passé et jusque dans les temps historiques ; que les barrières infranchissables ont été franchies, que la fécondité éternelle des espèces a trouvé des millions de fois des limites et que la fécondité bornée a pu donner naissance à des espèces fécondes elles-mêmes, jusque-là inconnues…, on reconnaîtra que cette notion est purement subjective et transitoire, qu’il n’y a dans la réalité que des individus, et que la science n’en est plus au temps où Cabanis pouvait dire justement : « Le genre humain n’a pu se procurer aucun renseignement exact touchant l’époque