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INTRODUCTION.

Citons encore, pour montrer le point où s’étendent les concessions extrêmes des partisans de la variabilité limitée, la définition donnée par M. de Quatrefages : « L’espèce est l’ensemble des individus plus ou moins

    ment des espèces ; en sorte que, selon notre excellent collègue, il n’y a qu’un seul critérium à la race et à l’espèce, à savoir, la fécondité continue. À cela M. Gaussin a justement répondu « qu’il y a impossibilité de déterminer jusqu’où s’étend la fécondité des produits, non-seulement pour tous les fossiles, mais encore pour presque toutes les espèces actuelles : insectes, poissons, reptiles, oiseaux ou mammifères sauvages. » Il faut donc le répéter, une définition qui s’appuie sur un caractère non vérifiable doit être rejetée. Combien de générations, demandera-t-on en effet, pour déclarer que les hybrides sont féconds ? et à quel moment pourra-t-on reconnaître qu’ils ne le sont pas ? M. A. Sanson repousse comme caractéristique de l’espèce la notion de ressemblance, en sorte que deux individus qui seraient semblables et stériles entre eux sont d’espèce différente, tandis que deux individus dissemblables, mais féconds, seraient de même espèce ; on peut se faire une idée de la confusion qu’une telle donnée pourrait produire dans les classifications si l’expérimentation physiologique qui, pour les questions de reproduction, date d’hier, parvenait à trouver les conditions de l’hybridité, et tout fait espérer qu’elle y parviendra. M. A. Sanson a donc fait reposer ses conceptions sur des hypothèses qui, beaucoup moins que celle de la transformation des espèces, se prêtent à la vérification. D’ailleurs pour ce qui est des modifications organiques, M. de Mortillet a fait remarquer que nous sommes à la durée des époques géologiques ce que l’éphémère est à notre existence, et que, si l’éphémère raisonnait, il se disait assurément : « De mémoire d’éphémère, en remontant aux plus anciennes traditions, en a toujours vu les mêmes hommes imberbes, les mêmes hommes barbus et vigoureux, les mêmes hommes décrépits et à cheveux blancs ; donc les caractères sont constants et invariables chez les mêmes individus. » M. Sanson, il est vrai, se retranche derrière les faits ; il prétend que l’on n’a jamais vu depuis les temps historiques donner naissance à un autre type, « même partiellement et si peu que ce fut. » À cela on peut répondre par des faits, et nous en donnerons plus loin, et par un argument dont M. Sanson appréciera la portée : si les types organiques actuels ne dérivent pas des types anciens, d’où dérivent-ils ? Ils ont donc été créés de toute pièce à l’état adulte ? J’entends M. Sanson se récrier et dire qu’il ne s’occupe pas des questions d’origine. Soit. D’autres s’en occuperont.