Nous n’assistons donc jamais à l’évolution d’aucun phénomène qui mérite le nom de création. Ni dans l’ordre des sciences abstraites, ni dans les opérations de la nature, nous ne pouvons même supposer un acte ou concevoir une notion qui soit sans antécédents. En sorte que l’infini mathématique dans la succession des faits est à la base de toutes nos observations. Je dis à la base — car il est antérieur à tout détail — il est ce que la phénoménalité offre de plus général.
Mais les rapports d’antécédence qui se montrent à nos yeux ne sont en réalité, ainsi que nous l’avons rappelé plus haut, que des transformations, et la somme des forces employées doit se retrouver, équivalent pour équivalent, dans la série successive des manifestations. Cela est-il vrai pour le monde organique aussi bien que pour le monde inorganique, quoique, conformément aux lois du développement historique des sciences, la vérification expérimentale ne soit complètement acquise que pour le monde inorganique ? Cela est grandement probable. L’évidence rationnelle est ici presque l’égale de la démonstration objective[1], et l’impossibilité de concevoir un commencement aux choses, jointe à la certitude de l’apparition non simultanée mais successive des êtres vivants, oblige l’esprit à admettre que cette succession
- ↑ Voyez l’épigraphe empruntée à Diderot.