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du congrès paléo-anthropologique.

desquelles ces couches se sont déposées ; — le zoologiste doit nous faire l’histoire des races d’animaux qui ont accompagné l’homme dans ses migrations et celles qu’il a rencontrées sur leur sol natal ; — le botaniste doit nous montrer les plantes dont l’homme s’est nourri à l’état sauvage, comme celles qu’il a successivement cultivées pendant les phases progressives de sa civilisation ; — l’anatomiste reconstruira ces crânes, réceptacle précieux de l’organe de l’intelligence, et ces races, dont les types se sont ou conservés depuis les temps les plus reculés, ou anéantis par le mélange et la destruction ; — le paléontologiste, en remontant même au delà des terrains dits diluviens, doit nous montrer les espèces éteintes, émigrées ou transformées, que l’homme a rencontrées dans les premiers temps de son apparition ; — le minéralogiste nous enseignera l’origine des pierres dont on faisait usage ; — le chimiste, par l’analyse des métaux, nous indiquera les minerais que l’on fondait et les mines dont on faisait l’exploitation. Toutes les sciences naturelles doivent donc pour nous être des amies, chez lesquelles nous allons puiser continuellement des lumières, et dont les méthodes exactes doivent nous être familières, pour pouvoir les employer tour à tour dans nos propres recherches.

Et si les sciences exactes doivent nous apporter leur aide et leur appui, nous avons aussi à recueillir de riches moissons dans un autre domaine. Nous nous appelons préhistoriques, messieurs, mais nous ne répudions pas pour cela les enseignements de l’histoire et des branches voisines. Nous recherchons partout et avec avidité les points de relation entre les données de notre science et celle des sciences historiques et littéraires ; la philologie comparée doit rétablir avec nous, et par l’étude des langues, l’histoire des races et leur filiation ; rien ne doit être négligé dans l’étude des mœurs et des habitudes des peuples actuels, car tous ces faits, souvent en apparence si minimes et sans valeur aucune, prennent une haute importance lorsqu’ils peuvent être mis en corrélation avec des faits datant de plus loin. Si les sciences exactes nous démontrent que la matière est aussi immortelle et aussi indestructible que la force, que tout, dans le jeu des choses physiques, n’est que transformation incessante d’un seul et même principe, il en est de même dans le domaine historique et philosophique. Les dieux ne meurent jamais d’apoplexie, ils se transforment seulement, et leurs parties non employées dans la transformation se promènent, pendant des siècles et des siècles, sous forme de spectres, de revenants, de feux-follets ou de farfadets ; les habitudes du sauvage ne s’éteignent jamais entièrement dans la vie de civilisation ; elles se conservent plus ou moins intactes à travers de longues périodes sous des formes diverses, mais reconnaissables à l’œil exercé. Rien n’est conservateur comme le foyer domestique, comme la tradition vivante des habitudes de génération en génération ; on a dit avec raison qu’il était bien plus facile de changer la forme d’un gouvernement, que la manière d’installer le foyer de la cuisine.