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LE PROBLÈME DES ORIGINES.

nul et non existant. L’immensité, tant matérielle qu’intellectuelle, tient par un lien étroit à nos connaissances, et ne devient, que par cette alliance une idée positive et du même ordre, je veux dire que, en les touchant, en les bordant, cette immensité apparaît sous un double caractère, la réalité et l’inaccessibilité. C’est un océan qui vient battre notre rive et pour lequel nous n’avons ni barque, ni voile, mais dont la claire vision est aussi salutaire que formidable[1]. »

Où trouver une plus magnifique expression de la nécessité où nous sommes, non de repousser le problème de l’origine, mais de reconnaître qu’elle est dans l’immensité, c’est-à-dire qu’il n’en existe pas de concevable ? Dans tous les cas, nulle philosophie, nulle autorité, nulle force ne peuvent obliger l’esprit à renoncer à cette investigation. Et si l’on pouvait supposer que la science dût répondre toujours qu’elle s’interdît toute recherche des origines, je dois ici le répéter, la science aurait abdiqué en faveur d’une cosmogonie quelconque, alors même, on l’a vu, que son absurdité heurterait jusqu’au sens commun le plus vulgaire.

La science, en effet, n’est plus, ainsi que jusqu’à ce jour on l’a considéré, une sorte de domaine isolé dont les maîtres se livrent à des spéculations phy-

  1. Littré, A. Comte et la philosophie positive, 1863, p. 519.