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de l’homme et des animaux.

ciété linnéenne un travail intitulé : « Sur les caractères, les principes de la classification des mammifères. » Ce travail[1] contient le passage suivant : « Chez l’homme, le cerveau offre un degré d’élévation dans le développement, plus important et plus profondément marqué que celui par lequel la sous-classe précédente se distingue de son inférieure. Non-seulement les hémisphères cérébraux recouvrent les lobes olfactifs et le cervelet, mais ils débordent les premiers en avant et les seconds en arrière. Le développement postérieur est si marqué, que les anatomistes lui ont assigné le caractère d’un troisième lobe. Cela est propre au genre homme : la corne postérieure et le petit hippocampe (ou ergot de Morand), qui caractérisent le lobe postérieur de chaque hémisphère, sont également propres à l’homme.

Comme le travail dans lequel figure cette citation ne prétendait à rien moins qu’à remanier la classification des mammifères, on peut supposer que son auteur l’a écrit sous le sentiment d’une responsabilité spéciale, et qu’il a vérifié avec un soin tout particulier les assertions qu’il veut promulguer. Si même c’est là trop demander, ni la hâte, ni l’absence de temps pour la réflexion, ne peuvent, dans tous les cas, être données comme circonstances atténuantes, car les propositions citées ont été répétées deux ans après dans les Reade Lectures faites en 1859 devant une corporation aussi sérieuse que l’Université de Cambridge.

Quand les assertions reproduites ci-dessus en lettres italiques vinrent à ma connaissance, je ne fus pas peu surpris d’une opinion tellement contradictoire avec les doctrines admises par les anatomistes au courant de la science ; mais imaginant naturellement que les assertions réitérées d’une personne responsable devaient avoir quelque fondement dans les faits, je crus qu’il était de mon devoir d’étudier de nouveau la question avant l’époque à laquelle je devais faire mes leçons sur ce sujet. Le résultat de mon enquête fut de prouver que les trois assertions de M. Owen « que le troisième lobe, la corne postérieure du ventricule latéral et le petit hippocampe sont particuliers au genre homme, » sont contraires aux faits les plus évidents. Je communiquai cette conclusion aux étudiants de mon cours, et n’ayant alors aucun désir d’entrer dans une controverse qui n’eût point été à l’honneur de la science britannique, quelle qu’eût été sa fin, je revins à des études qui m’étaient plus familières.

Bientôt vint un temps où persister dans cette réserve m’aurait engagé dans un indigne compromis avec la vérité.

À la réunion de l’Association Britannique à Oxford en 1860, le professeur Owen répéta ces assertions devant moi et, comme de raison, je leur donnai un démenti direct et sans réserve, m’engageant à justifier ailleurs ce procédé exceptionnel. Je remplis cet engagement en publiant un mémoire[2] dans

  1. Owen, Journ. of the Proc. of the Linnean Soc., vol. II, p.19.
  2. Huxley, Natural History Review, numéro de janvier 1861.