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de l’homme et des animaux.

l’intelligence commencent à germer dans les formes inférieures de la vie[1].

Mais en même temps, personne n’est plus fortement convaincu que je ne le suis de l’immensité du gouffre qui existe entre l’homme civilisé et les animaux ; personne n’est plus que moi certain que, soit qu’il en dérive, soit qu’il n’en dérive point, il n’est assurément pas l’un d’entre eux ; personne n’est moins disposé à traiter avec légèreté la dignité actuelle, ou à désespérer de l’avenir du seul être à intelligente conscience qui soit en ce monde.

À la vérité, ceux qui en cette matière s’attribuent l’autorité, nous disent que les deux formes d’opinions sont incompatibles, et que la croyance à l’unité d’origine des animaux et de l’homme entraîne pour celui-ci la brutalisation et la dégradation. Mais en est-il réellement ainsi ? Un enfant intelligent ne pourrait-il réfuter, à l’aide d’arguments évi-

  1. C’est un plaisir tellement rare pour moi de trouver les opinions du professeur Owen en accord avec les miennes, que je ne puis m’empêcher de citer ici un passage qui a paru dans son Essai sur les caractères… de la classe des mammifères in Journal of the Proceedings of the Linnean Society of London pour 1857, mais qui a été omis sans que l’on puisse se rendre compte de cette omission dans la Reade Lecture faite à l’Université de Cambridge deux ans plus tard, et qui est à peu près une réimpression de l’Essai en question. M. Owen avait écrit :

    « N’étant pas apte à apprécier ou même à concevoir que la distinction entre les phénomènes psychiques d’un Chimpanzé, d’un Boschiman ou d’un Aztec, avec arrêt de développement cérébral, soit d’une nature tellement essentielle qu’elle interdise toute comparaison entre les individus de ces espèces, ou comme étant autre qu’une simple différence de degré, je ne puis méconnaître la signification de cette constante similitude dans la structure — chaque dent, chaque os étant strictement homologue — qui rend si difficile à l’anatomiste la distinction entre l’Homme et le Pithecus. »

    Assurément il est quelque peu singulier de voir que « l’anatomiste » qui trouve « difficile » de « déterminer la différence » entre l’Homme et le Pithecus, les range nonobstant, par des motifs empruntés à l’anatomie, en sous-classes distinctes !