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de l’homme et des animaux.

Aucun ordre de mammifères ne se présente peut-être avec une série aussi extraordinaire de gradations que le fait celui-ci — qui nous conduit insensiblement du sommet de la création animale à des êtres qui ne sont séparés, comme on le voit, que par un échelon, du plus inférieur, du plus petit et du moins intelligent des mammifères à placenta. Il semble que la nature elle-même avait prévu l’orgueil de l’homme, et, avec une cruauté toute romaine, ait voulu que son intelligence, au sein même de ses triomphes, fît sortir les esclaves de la foule pour rappeler au vainqueur qu’il n’est que poussière.

Tels sont les faits principaux, telle est la conclusion immédiate que j’en ai tirée et à laquelle j’ai fait allusion au début de cet Essai. Je pense que ces faits ne peuvent pas être contestés, et s’il en est ainsi, la conclusion m’apparaît inévitable.

Mais si l’homme n’est séparé des animaux par aucune différence anatomique plus importante que celles qui les séparent les uns des autres, il semble que si l’on peut découvrir un procédé quelconque causatif de modifications organiques par lequel se seraient produits les genres et les familles des animaux ordinaires, ce procédé pourrait amplement rendre compte de l’origine de l’homme. En d’autres termes, si l’on pouvait établir que les marmousets[1], par exemple, se sont formés et élevés par des modifications graduelles des platyrhiniens, ou que marmousets et platyrhiniens sont des rameaux modifiés d’une même souche primitive, on ne trouverait aucune raison solide pour mettre en doute que l’homme peut avoir pris origine, soit

  1. Les marmousets comprennent les ouistitis et les tamarins qui appartiennent aux genres Hapale, Jacchus et Midas. Ce sont des singes américains petits et semblables aux écureuils. Le nom de marmouset n’est plus usité en français que dans un sens injurieux, appliqué à l’homme. (Trad.)