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rapports anatomiques

ture et celles de la nature sur nous ? Quel est notre but et notre destinée ?… Voilà les questions qui se présentent incessamment, d’elles-mêmes, à tout homme qui naît à la vie mentale, et qui lui offrent un intérêt que rien ne saurait diminuer. La plupart, effrayés des difficultés et des dangers qui menacent celui qui cherche à déchiffrer ces énigmes, se résignent à l’ignorance et étouffent leurs tendances investigatrices sous le couvert d’une tradition respectée et respectable. Mais, dans tous les temps, il s’est trouvé des esprits laborieux, doués de ce génie créateur qui ne sait bâtir que sur de solides fondations, ou atteints de l’esprit de doute, qui se sont refusés à suivre l’ornière usée et commode tracée par leurs prédécesseurs et par leurs contemporains, et, sans se soucier des épines et des pierres d’achoppement, ils ont cherché leur voie par des sentiers qu’ils traçaient eux-mêmes. Les sceptiques ont abouti à une sorte de désespoir irrationnel, en affirmant que le problème est insoluble ; ou à l’athéisme qui nie l’existence du progrès et d’une ordonnance régulière dans les choses du monde[1] ; les hommes de génie ont proposé des solutions qui se transforment en sys-

  1. Rien de plus singulier, dans les controverses modernes, que la signification du terme athéisme ; pour M. Huxley, l’athéisme nie l’existence « du progrès et d’une ordonnance régulière des choses. » Beaucoup d’athées cependant font reposer leurs négations sur l’existence de ce progrès et de cette ordonnance, qui, à leurs yeux, est une propriété immanente et non point le fait d’un artisan distinct de son œuvre ; beaucoup de déistes et de chrétiens, d’un autre côté, invoquent à l’appui de l’existence d’un Dieu extrinsèque la rupture du progrès régulier et de l’ordonnance des choses, c’est-à-dire le miracle. Moïse, chez les Égyptiens, n’a pas employé d’autre argument. Le véritable sceptique n’aboutit jamais à l’athéisme ; il réserve toutes les questions, et, sans rien contester a priori, il demande sur chaque point une confirmation expérimentale, ou, si l’on veut, une démonstration ; ses réserves ne sauraient avoir un caractère négatif antiscientifique. (Trad.)