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introduction.

que nous donne le savant anatomiste est toujours cette faculté de se réfléchir sur lui-même et de méditer sur ses origines, ses destinées et sa nature qui est si libéralement accordée à tous les hommes. M. Bischoff suppose ici sans nul doute que « tous les hommes » sont professeurs de philosophie dans quelque université allemande. Cependant il pourrait s’apercevoir, pour peu qu’il observe attentivement les hommes illettrés — et bien des lettrés — même sans aller en Australie ou en Afrique, que de tels problèmes n’ont jamais occupé l’esprit que très-exceptionnellement.

Mais, ainsi que le dit M. Huxley, l’orgueil humain ne se résigne pas aisément à se croire pétri du même limon que les êtres inférieurs. Le charretier cruel, qui donne chaque jour dans nos rues l’exemple de la férocité, se croit issu des dieux de même que le fervent disciple de la généalogie biblique se croit fait à leur image, et à travers toutes les dissemblances apparentes, leur morale est comme la logique, uniforme et impitoyable : l’enfer éternel ou les châtiments sanglants à ceux qui, succombant sous le fardeau, ne peuvent traverser sans faiblir leurs dures épreuves. Aussi, pour répondre une fois de plus à des critiques sentimentales sur la dignité et la moralité humaines, je dirai que l’une et l’autre sont du côté de ceux qui croient à l’évolution progressive des êtres et qui mettent l’orgueil, non dans le passé, mais dans l’avenir.

Que le lecteur et M. Huxley lui-même me pardon-