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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

cri de guerre ; mais elle ne signifiait rien de spécial, que je sache. Décadent ! Est-ce que le crépuscule d’un beau jour ne vaut pas toutes les aurores ! Et puis, le soleil qui a l’air de se coucher, ne se lèvera-t-il pas demain ? Décadent, au fond ne voulait rien dire du tout. Je vous le répète, c’était plutôt un cri et un drapeau sans rien autour. Pour se battre, y a-t-il besoin de phrases ! Les trois couleurs devant l’aigle noir, ça suffit, on se bat !…

— On reproche aux symbolistes d’être obscurs… Est-ce votre avis ?

— Oh ! je ne comprends pas tout, loin de là ! D’ailleurs, ils le disent eux-mêmes : « Nous sommes des poètes abscons. Mais pourquoi « abscons » tout court ? Si, encore, ils ajoutaient : « comme la lune ! », en outre !

De nouveau, il éclata de rire, et je fus bien forcé de l’imiter.

À ce moment, il me sembla que la partie sérieuse de notre entretien prenait fin… Je me rappelai une réflexion que m’avait faite M. Anatole France, et je dis encore à Verlaine :

— Est-il vrai que vous soyez jaloux de Moréas ?

Il redressa le buste, improvisa un long geste du bras droit, se mouilla les doigts, se frisa rythmiquement la moustache et dit en appuyant :

— Voui !!!