Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

croire, par exemple, que choisir un certain nombre de pierres précieuses et en mettre les noms sur le papier, même très bien, c’était faire des pierres précieuses. Eh bien, non ! La poésie consistant à créer, il faut prendre dans l’âme humaine des états, des lueurs d’une pureté si absolue que, bien chantés et bien mis en lumière, cela constitue en effet les joyaux de l’homme : là, il y a symbole, il y a création, et le mot poésie a ici son sens : c’est, en somme, la seule création humaine possible. Et si, véritablement, les pierres précieuses dont on se pare ne manifestent pas un état d’âme, c’est indûment qu’on s’en pare… La femme, par exemple, cette éternelle voleuse…

Et tenez, ajoute mon interlocuteur en riant à moitié, ce qu’il y a d’admirable dans les magasins de nouveautés, c’est, quelquefois, de nous avoir révélé, par le commissaire de police, que la femme se parait indûment de ce dont elle ne savait pas le sens caché, et qui ne lui appartient par conséquent pas…

Pour en revenir au naturalisme, il me paraît qu’il faut entendre par là la littérature d’Émile Zola, et que le mot mourra en effet, quand Zola aura achevé son œuvre. J’ai une grande admiration pour Zola. Il a fait moins, à vrai dire, de véritable littérature que de l’art évocatoire, en se servant, le moins qu’il est possible, des éléments littéraires ; il a pris les mots, c’est vrai, mais c’est tout ; le reste provient de sa merveilleuse organisation et se répercute tout de suite dans l’esprit