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ENQUÊTE

— Il leur reste Anatole France, qui est un maître incontestable. Son dernier livre, Thaïs, est une des plus belles choses qu’on puisse lire ; il y a aussi la camelote de Bourget et les vaniteuses habiletés de M. Barrès, son meilleur élève. Ajoutez-y la critique trop superficielle et errante, mais si agréablement mignarde, de M. Jules Lemaître, et le bilan des psychologues sera fait.

— Quelle part faites-vous au symbolisme ?

— Justement toutes ces formules d’analyse différentes étaient pour appeler une synthèse : c’est le rôle du symbolisme de la produire, et je crois que c’est le but qu’il se propose. Il voudrait aussi bien traduire la vie extérieure des naturalistes que la vie intérieure du psychologue, et le masque conventionnel, avec ses influences de l’école du bon sens. Évidemment ce sont là des théories que peu d’œuvres encore ont appuyées. D’ailleurs les artistes qui se recommandent de l’étiquette symboliste gardent chacun leur personnalité qui n’entre pas toujours exactement dans les bornes de la formule. C’est ainsi que Moréas reste surtout un byzantin épris des orfèvreries du vers et du chatoiement des vocables, que Gustave Kahn demeure un évocateur des architectures orientales et des somptuosités asiatiques ; tandis que Viellé-Griffin, le plus rythmique des poètes nouveaux, est toujours le Saxon aux images simples reculées dans les vapeurs légères des horizons sep-