Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
28
ENQUÊTE

« Alors, qu’est-ce que cette attitude extraordinaire qu’on voit à certains ? Qu’est-ce que ces dangers de la fin de siècle ? ces conditions fatales de l’art actuel ? cette intelligence douloureuse du mauvais moment où l’on vient ?

« Pour l’homme organisé, pour celui qui agit, pense et s’exprime, cette vie n’a d’autre effet que de le passionner. C’est l’amour de la vie qui forme les écrivains. Ni pédants, ni farceurs ne trouveront leur voie dans les traverses.

« Un romancier ne compte comme écrivain qu’autant qu’il vaut comme homme, grand écrivain s’il a de grands sentiments — petit écrivain, s’il a de petits sentiments, — nul, s’il n’en a pas. S’il possède les dons qui constituent tout grand caractère, il n’a nul besoin de se livrer à tant d’acrobaties pour que ce qu’il signe soit distingué. Qu’il prenne sa plume : à quelque suggestion personnelle qu’il obéisse en écrivant spontanément des imaginations, toujours elles porteront, puisqu’elles émanent de la vie même, le beau signe de Vérité. Et c’est là tout ce qui peut intéresser quiconque les lira sans parti-pris. De ceux que nous apprenons amoureusement, nous n’avons jamais songé à recevoir de doctrine pédagogique. Il a fallu M. Taine pour qualifier Stendhal psychologue : et si Gérard de Nerval a fait du symbolisme, c’est bien sans s’y forcer.

« Leurs œuvres sont hautes montagnes ou claires