Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/459

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
433
SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

puissants et dur aux hommes armés de leur seule indépendance. Cela ne suffira point pour nous faire nier les cinq ou six feuillets de haute littérature qu’on rencontre chaque hiver dans sa redite annuelle, mais qu’il nous soit permis de nous étonner à le voir si différent de soi.

Que des personnes attachées à des journaux et qui en vivent grassement se liguent pour empêcher les écrivains nouveaux de mordre à leur tartine, — rien de plus humain. M. Zola n’est pas, que je sache, attaché à aucune gazette. Pourquoi donc cette mauvaise tenue ?

Il importerait cependant de terminer le conflit.

En somme, tout cela n’est que triste verbiage. Les artistes d’une époque pensent, peinent, produisent afin de créer un rythme de pensée générale qui se développe, s’enrichit et s’accroît pour trouver sa forme, un jour, dans le génie qui caractérisera cette époque. Nous nous agitons afin (le produire à notre tour l’atmosphère mentale nécessaire pour qu’il nous naisse un homme digne de continuer la série : « Moïse, Eschyle, Virgile, Dante, Rabelais, Shakespeare, Goethe, Flaubert et Laforgue. »

Il nous touche moins de savoir si M. Ajalbert l’emporte sur M. de Maupassant, M. Margueritte sur M. Bourget, et M. Péladan sur M. de Montépin. À peine pouvons-nous dire que certains marquent plus spécialement la direction générale de la mentalité et qu’il est, dans le monde de la pensée, des créateurs plus spéciaux comme Hennique et Rosny, Zola et Alexis, Loti et Mirbeau, Goncourt et Hervieu.

Mais l’œuvre de distribuer ces noms sur les feuilles d’un palmarès serait excessivement grotesque.

Au lieu de nous abîmer mutuellement et publiquement pour la joie du philistin qui se gausse, il serait sans doute sage et noble d’entreprendre avec quelque sérieux un examen contradictoire sur la question qui nous divise.