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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

nage dont le mari rentre habituellement ivre et la bat, ou dans celle d’un Sioux attaché au poteau de guerre !

— À côté, dis-je, du mouvement psychologiste, il paraît y avoir un autre mouvement en réaction contre le naturalisme : le symbolisme… Puis-je vous demander si vous êtes symboliste ?

— Je fais des livres où de mes amis, en effet, veulent voir des symboles ; et, vraiment, j’ai le goût de faire dire à mes personnages des choses d’un sens plus général que le récit des menus faits de leur existence : dans ce sens, je serais donc symboliste. D’ailleurs, c’est là un terme bien vague ; il est certain que, de tout temps, l’art a été symboliste et que, seuls, peut-être, les naturalistes ont affiché le parti-pris de se tenir dans le fait-divers, dans le cas exceptionnel, dans le particulier étroit, sans vouloir admettre les généralisations. Tous les personnages de Molière, ceux de Shakespeare et de nos auteurs classiques, sont en même temps des cas particuliers et généraux, des êtres vivants et des types : Tartufe, Roméo, Béatrice, par exemple.

Ceux qu’on appelle aujourd’hui symbolistes n’ont guère encore produit qu’un livre : le Pèlerin passionné de Jean Moréas. Vous savez que j’aime beaucoup Moréas et que je fais grand cas de son talent ; c’est un artiste qui joint aux préoccupations du symbole le plus grand souci de la forme de la langue