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ENQUÊTE

la fin de cette année, et j’ai hâte de partir en Bretagne pour y travailler à mon aise, sans être distrait par rien…

M. Renan me laissa exposer le but de ma visite, détailler mes questions avec méthode, et me répondit :

— Mon Dieu, monsieur, je n’ai vraiment rien à dire là-dessus, je suis si ignorant, si ignorant de ces choses ! Je viens de vous le dire, je n’ai qu’une hâte… Si j’étais appelé par mes devoirs à parler de la littérature contemporaine, il me faudrait six mois au minimum pour me faire une opinion approximative. Ah ! quand j’aurai fini, peut-être consacrerai-je une ou deux années à regarder autour de moi, je chercherai à m’intéresser aux choses actuelles… Oui, tenez, j’aimerais beaucoup, par exemple, lire des romans… je n’en connais aucun, je m’amuserais volontiers à cela… Mais, en réalité, maintenant je ne saurais quoi vous répondre…

Et, comme je faisais d’incroyables efforts de dialectique pour rattacher généralement les modes littéraires aux évolutions de l’esprit philosophique, M. Renan me dit, les deux mains posées à plat sur ses genoux :

— Les modes littéraires… c’est puéril, c’est enfantin. Ce n’est pas intéressant, non, vraiment. Dans deux ans, il ne sera plus question de tout cela…

Et il ajouta :