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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

de l’individu, et déterminant des perturbations déjouant toute espèce de loi.

De sorte que, au fond, un art vraiment émotionnel avec de telle technique sera forcément un art plus ou moins personnel, plus ou moins de cénacle, et seulement accessible à des êtres ayant vécu la même vie morale : résultat d’ailleurs vers lequel nous acheminent toutes les exigences de la civilisation moderne et les transformations sociales. Plus nous allons, en effet, plus nous tendons vers l’uniformité ; voyez, en Angleterre, tout le monde porte déjà le chapeau à haute forme, le cocher est un gentleman qui ne se distingue en rien de ses clients, sauf peut-être par un peu plus de tenue ; les porteuses de pain y ont aussi des chapeaux à brides !

Les progrès de l’organisation sociale auront pour effet de simplifier et d’améliorer notre psychologie individuelle. Il est évident, n’est-ce pas, que les drames, par exemple, qui reposent en général sur des malentendus et des quiproquos, n’auront plus aucun sens dans un temps donné ; la féerie remplacera, avantageusement, d’ailleurs, ces acrobaties psychologiques. Les histoires d’amour, qu’on nous rabâche encore, n’ont un sens qu’à cause de notre état social qui met un très petit nombre de femmes en contact avec un très petit nombre d’hommes et qui a besoin d’entourer de protection et de garanties particulières l’acte d’amour. Il est évident que tout