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ENQUÊTE

surtout de prodigieux artistes et des raffinés ; par leurs études d’art, ils s’éloig’nent, au contraire, du naturalisme, et même leur roman La Faustin ne peut être rapproché d’aucune des œuvres de l’école. Et pourtant j’ai la conviction que l’œuvre de Zola est un monument puissant qui restera, mais auquel je n’ai jamais pu m’intéresser.

— À qui, selon vous, a profité cette défaite du naturalisme ?

— Je crois que c’est un fait, elle a profité aux psychologues. Leur grande vogue vient de ce qu’ils ont eu des préoccupations trop négligées par les naturalistes. Ceux-ci avaient fait de minutieuses et pittoresques descriptions des aspects extérieurs et des gestes, des passions, des appétits humains. Ceux-là, au contraire, Bourget, par exemple, ont voulu considérer ces appétits comme le ferait un savant d’une plante qu’il étudierait, en considérant toutes ses racines, la terre où elle pousse et l’atmosphère où elle se développe. En outre, de même que les naturalistes, par réaction contre l’ancienne convention mondaine, s’étaient cantonnés dans la vulgarité, les psychologues ont cherché des milieux autres que des milieux de médiocrité et des âmes différentes des âmes vulgaires. Il doit y avoir plus de luttes et d’intéressants débats dans l’âme, par exemple, d’une impératrice détrônée qui a connu toutes les gloires et toutes les ruines, que dans l’âme d’une femme de mé-