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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

Accueil amical, sourire bienveillant que des gens s’entêtent à voir ironique.

Les cigarettes allumées et les questions posées, voici la marche de l’entretien :

— Oh oui ! ce qu’on a appelé le naturalisme est une formule d’art qui est aujourd’hui bien morte. Mais remarquez comme c’est toujours le besoin de la vérité qui fait les évolutions en art. Une esthétique se fait jour : peu à peu la beauté qu’elle a innovée devient une formule, et fait des adeptes ; une école est née, elle vit, s’épanouit ; puis, les disciples étriquent de plus en plus la formule ; et, à partir de ce moment, c’est un art mort. Le naturalisme a passé par ces phases ; mais il ne faut pas oublier les services qu’il a rendus. Il est venu à un moment où la littérature à l’eau de rose d’Octave Feuillet était à la mode ; il y avait là un parti pris de voir avec une certaine beauté conventionnelle les gens du monde, et de ne voir qu’eux, contre lequel les naturalistes ont heureusement réagi ; ils ont élargi le cadre des préoccupations du romancier, ils ont dégoûté même les gens du monde de cette beauté poncive. Mais enfin, à leur tour, fatalement ils ont subi la loi commune, et je les crois bien finis aujourd’hui.

D’ailleurs, lorsque je vous parle de naturalisme, j’ai en vue la formule d’Émile Zola et de ses disciples immédiats, car on ne peut pas dire que les Goncourt, par exemple, soient des naturalistes purs ; ce sont