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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

vie contemporaine, de notre âme aryenne arrivée à un paroxysme de complication. Parmi les étranges et infiniment multiples transformations en lesquelles se fondent tous les décors de notre civilisation, qu’est-ce qui se transforme plus étrangement que notre pensée humaine, que notre cervelle humaine et sa production de sentiments et d’idées ? Tout y craque, tout y casse, et du fumant remaniement des débris sort un agencement, sur nouveaux frais, prodigieux en ses imprévus et ses détails. Un pullulement ! Un fourmillement ! Comme nous sommes loin de la pensée calme et mesurée des hommes qui ont décrété la langue claire, simple et forte du dix-huitième siècle ! Efforts donc pour nous rendre les expressions pittoresques de Ronsard et de Rabelais. Efforts pour créer des mots nouveaux, ingénieux, sonores ou tendres, expressifs toujours. Que de trouvailles en ce genre réalisées par cet admirable Jules Laforgue dontsfe sont si peu souvenus la plupart des témoins de votre Enquête !

» Enfin (pour ne pas trop prolonger) il y a une évidente tendance à dépasser les bornes visibles de la réalité dans laquelle le Naturalisme prétendait si étroitement se confiner. Ici surtout apparaît une face de la question à laquelle pourrait s’appliquer, sans trop d’inexactitude, ce mot vague : Symbolisme. On veut un art qui fasse penser, qui soit suggestif. Ceci répond à ce phénomène, interne, mais si réellement réel en notre âme : le prolongement des réalités par